L’endométriose je connaissais vaguement mais sans jamais prendre le temps de m’y intéresser de plus près. Julie, qui souffre de cette maladie a souhaité nous faire part de son témoignage sur cette pathologie trop souvent ignorée.
Femin’elles: L’endométriose, c’est quoi?
Julie: L’endomètre est la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus. À la fin du cycle menstruel, s’il n’y a pas eu fécondation, une partie de l’endomètre (qui se renouvelle constamment) est évacuée avec les menstruations. L’endométriose se caractérise par la formation, en dehors de l’utérus, de tissus formés de cellules endométriales. Ainsi, de l’endomètre se met à se former ailleurs dans le corps.Un tissu endomètrial, peu importe où il se trouve dans le corps, réagit aux fluctuations hormonales du cycle menstruel. Ainsi, tout comme la muqueuse utérine, il se forme, puis « saigne » chaque mois. Cependant, lorsque ce tissu se situe à l’extérieur de l’utérus, comme c’est le cas chez les femmes atteintes d’endométriose, les saignements n’ont aucune issue vers l’extérieur du corps. Le sang et les cellules endométriales qui se détachent peuvent irriter les organes avoisinants et le péritoine (la membrane qui renferme les organes de l’abdomen). Cela peut aussi entraîner la formation de kystes (de la taille d’une épingle à celle d’un pamplemousse), de tissu cicatriciel, ainsi que d’adhérences qui relient les organes entre eux et causent des douleurs. Où les tissus d’endomètre se forment-ils? Le plus souvent : sur les ovaires; sur les trompes de Fallope; sur les ligaments soutenant l’utérus; sur la surface extérieure de l’utérus. Plus rarement, ils peuvent se développer sur les organes avoisinants, comme les intestins, la vessie ou les reins. Enfin, exceptionnellement, ils se retrouvent à des endroits très éloignés de l’utérus, comme les poumons, les bras ou les cuisses. Ce trouble gynécologique figure parmi les plus fréquents : de 5 % à 10 % des femmes en âge de procréer en sont atteintes. L’endométriose est habituellement découverte vers 25 ans à 40 ans, en raison de douleurs anormalement intenses dans le bas-ventre ou d’un problème d’infertilité. En effet, de 30 % à 40 % des femmes atteintes d’endométriose sont infertiles. Mais dans plusieurs cas, l’endométriose ne s’accompagne d’aucune douleur et n’a pas impact sur la fertilité. Elle est alors décelée par hasard, par exemple au moment d’une intervention par laparoscopie dans l’abdomen.
Femin’elles: Quand et comment as tu découvert que tu étais atteinte d’endomètriose?
Julie: J’ai découvert ma maladie en novembre 2010 suite à une hospitalisation en urgence dues à mes douleurs. Cela faisait depuis l’adolescence que j’avais des douleurs plus ou moins variables et intenses mais qui ont augmentées avec les années (j’ai 29 ans). Il y a 4 ans, alors que mes douleurs s’intensifiaient, ma gynécologue ne voit pas de problème gynécologique et m’oriente alors vers un gastro-entérologue. Celui-ci ne trouvant rien non plus, m’oriente à son tour vers un spécialiste de l’endométriose sur Vannes. C’est une véritable peur qui m’envahit car en me renseignant sur Internet, je découvre que ça provoque de l’infertilité…Je passe alors une échographie qui ne révèle rien. Le médecin me dit que je dois m’estimer heureuse car « c’est une sale maladie ». Ouf ! Retour à la case départ. Je ne sais toujours pas ce que j’ai.
Les douleurs sont toujours là et je fais de plus en plus de crises. Je suis de plus en plus souvent obligée de quitter le travail pour vite rentrer chez moi et me coucher. Parfois, je ne peux pas me lever le matin. Mon généraliste me prescrit alors une pilule qui me coupe les règles. Je n’ai plus mal car ce sont bien les règles qui me provoquent ces crises de douleurs.
Il y a un peu plus d’un an, moi et mon chéri décidons les essais bébé. J’arrête la pilule. Les crises recommencent de plus belle. Mon généraliste me prescrit alors de l’opium pour calmer les douleurs. Ça fonctionne mais il s’agit d’un équivalent de la morphine. J’évite donc d’en prendre. En octobre 2010, prise d’une énorme crise au travail, je suis amenée aux urgences. Le scanner révèle un gros kyste sur l’ovaire gauche et je suis transférée aux urgences gynécologiques.On m’explique qu’on va me retirer l’ovaire mais que ça ne m’empêchera pas d’avoir des enfants. Finalement,on ne m’opère pas et on me laisse repartir avec un stock d’opium.
J’ai un rendez-vous un mois plus tard. La gynécologue que je vois pense qu’il s’agit d’endométriose et m’explique qu’on ne peut le voir qu’à l’IRM et seulement à un certaine période du cycle. Je suis à ce moment là, et toujours aujourd’hui, très en colère contre le spécialiste de l’endométriose que j’ai vu 4 ans plus tôt. Je passe donc l’IRM et le diagnostic tombe : endométriose. Le kyste pour lequel j’avais été hospitalisé était un kyste endométriosique. Sachant que je suis en essai bébé, elle me fixe une date d’opération en février 2011 par cœlioscopie, destinée à me retirer les lésions d’endométriose et augmenter ainsi ma fertilité.
Femin’elles: Comment se manifeste la maladie chez toi?
Julie: Elle se manifeste à différents moments de mon cycle, avant, pendant et/ou après mes règles, et parfois pendant l’ovulation. Les douleurs se manifestent principalement dans les ovaires mais aussi au niveau de l’intestin, de la vessie, du dos, des cuisses. La douleur irradie également toute la zone entre le nombril et les fesses. J’ai l’impression que mes organes sont en train de tomber (sensation de poids). Selon l’intensité de la douleur, je suis prise de vomissements. Je ne peux plus marcher et les passages aux toilettes sont redoutables. Je suis obligée de m’accrocher à la poignée de la porte au sens propre du terme pour supporter la douleur. Il m’est également arrivé d’avoir des grosses douleurs pendant les rapports sexuels.
Femin’elles: Quelles en sont les conséquences sur ta vie de tous les jours?
Julie: Je me sens souvent inutile car je ne peux pas assurer au niveau du travail, ni même à la maison. Dans mes moments de crises, qui peuvent durer 3/4 jours, je ne peux pas m’occuper de la maison car je ne peux pas me lever. Mon chéri doit s’occuper des courses, du ménage, de la cuisine, de tout. De plus, je suis épuisée et très irritable. Je pleure beaucoup quand je suis seule, je peste contre cette maladie que je vis comme un vrai handicap. Je ne supporte pas les bruits et je n’arrive même pas à regarder un film ou à prendre un bouquin. Je ne réponds pas non plus à mon téléphone, je me coupe du monde pendant quelques jours.
Femin’elles: Les femmes souffrant d’endométriose ont elles plus de difficultés à tomber enceinte?
Julie: Oui, en effet. Beaucoup d’entre elles subissent le parcours du combattant : prises de sang, bilan d’infertilité, examens parfois douloureux, traitements, procréation médicalement assistée, fécondation in vitro, adoption.
La coelioscopie est sensée augmenter la fertilité mais ca ne fonctionne pas toujours spontanément. Pour ma part, nous sommes au mois de septembre et je n’arrive toujours pas à tomber enceinte. Je viens donc de faire une prise de sang et ce soir j’ai une échographie pour vérifier ma réserve ovarienne ainsi que pour mon endométriose (mais étant donné que ca ne se voit qu’à l’IRM, j’ai un doute sur cet examen…). La semaine prochaine, je passe une hystérosalpingographie pour étudier la cavité utérine et les trompes qui ne sont pas visibles sur des radiographies standards et vérifier qu’il n’y a pas d’anomalies. C’est un examen douloureux d’environ 30 minutes. J’angoisse beaucoup car les douleurs ressenties ressemblent à celles des règles… Le parcours du combattant commence pour moi. J’espère que je tiendrais le coup.
Femin’elles Existe t il un traitement?
Julie: Non malheureusement il n’existe aucun traitement. La cause n’est pas connue non plus… Le seul traitement qui existe est la grossesse ou la ménopause artificielle. Pour soulager les douleurs, il existe le spasfon, l’anthadys et l’opium. Personnellement, il m’arrive de consommer du cannabis quand les médicaments ne me font pas suffisamment d’effets et que mes douleurs de règles m’empêchent de dormir. Je n’ai rien trouvé de mieux et je préfère prendre ça plutôt que de l’opium… Je m’aide aussi de bouillottes et de bains chaud pour me soulager mais cela n’a rien de miraculeux. Une fois sortie du bain, les douleurs recommencent de plus belle.
Je fais de l’acupuncture depuis 3 mois. Et cela fait 2 mois que je n’ai pas été obligée de quitter le travail. Ce mois-ci, tout s’est bien passé. Des douleurs certes mais j’ai réussi à aller au travail, mon humeur était meilleure et j’ai pu faire quelques activités telles que faire un peu de ménage et de la cuisine : c’est une grande victoire pour moi.
Femin’elles: Quel message aimerais tu faire passer aux femmes qui lisent cet article?
Julie: Je voudrais dire à toutes les femmes, y compris aux mamans qui ont des filles, qu’il n’ait pas normal d’avoir des règles qui vous empêchent de marcher,de vivre normalement. En effet, c’est le discours que j’ai trop souvent entendu. On ne prend pas au sérieux la souffrance que cela engendre. Il faut savoir qu’1 femme sur 10 est atteinte d’endométriose, c’est un chiffre énorme. Il ne faut pas hésiter à pousser la porte des chirugiens-gynécologues, des hôpitaux car c’est seulement de cette manière que j’ai été diagnostiquée. Les diagnostics s’établissent en moyenne après 7 ans de douleurs physiques et de souffrances psychologiques, ce n’est vraiment pas normal !
Un grand merci Julie pour ton témoignage.